DIRE LA VERITE

Publié le par Sylvie FERRIEU et Philippe GEFFROY

Nous constatons auprès des couples que nous recevons un déficit de la parole très préjudiciable à l’épanouissement de la relation, et particulièrement lorsque l’un des partenaires vit quelque chose de difficile. Il peut se mettre en place un mécanisme ou se taire est jugé moins risqué que parler. Mais qui protège-t- on vraiment avec cette attitude : l’autre, alors c’est le considérer comme un être « inférieur » incapable de comprendre ou d’assumer, ou bien plutôt soi-même, sa tranquilité, sa peur de se positionner dans la relation ? Alors faut-il oser dire, prendre le risque de dire, et surtout, comment dire la vérité au sein du couple ?

 

 

 

Distinguons d’abord 2 concepts forts utiles pour éviter les confusions : la Transparence c’est tout se dire, et l’Authenticité c’est parler « vrai ». Le couple doit d’abord à discerner ces 2 notions et être clair sur ce qu’ils attendent l’un de l’autre. Pourquoi pas une exigence de transparence, mais il faut en assumer les conséquences…Imaginez ce qui se passerait si vous verbalisiez tout ce qui passe dans votre esprit concernant votre conjoint (il/elle a mauvaise haleine ce matin, sa copine véronique est vraiment stupide, jamais il n’est disponible...). Il y a fort à parier que la vie serait insupportable. Alors il peut y une forme de « contrat de transparence » à passer, sur des sujets précis et agréés (l’argent, la fidélité, l’emploi du temps, les relations professionnelles, amicales ou sociales..). Etre transparent vis-à-vis de l’autre représente une contrainte forte qui si elle est généralement bien partagée dans la phase fusionnelle de la vie du couple,  devient difficile à tenir dans la phase de différenciation.

 

L’Authenticité, c’est très différent. Il s’agit en effet de dire des choses vraies, dire la Vérité. Mais qu’est-ce qu’une chose vraie : LA Vérité existe-t-elle ?. Les faits, les situations sont traités à travers nos propres filtres, dont l’une des caractéristiques principales est le besoin de créer un sens, une signification  à ce qu’on perçoit. Cette signification s’appuie sur notre propre vision du monde, nos fonctionnements, croyances souvent influencés par nos blessures et nos mémoires.

 

 

 

Sophie n’éprouve plus, depuis plusieurs années, de désir sexuel. Sauf à quelques occasions rarissimes et bien contextualisées (absence des enfants, en journée, reposée..). Elle a souffert dans son enfance d’une forme d’exhibitionnisme de ses parents, et a une image de la femme « salie » dans la sexualité. Fabrice a éprouvé beaucoup de honte et de souffrance sur le sujet, en partie à cause des tabous qui régnaient dans sa famille. Il a maintenant 35 ans et sa libido en sommeil est en train de se réveiller.  C’est toujours lui qui fait les demandes pour entamer une relation sexuelle, Sophie y répond négativement. Alors il se tait et se retourne en silence, et cherche le sommeil Des maux de ventre terribles accompagnent ses journées. Pour Sophie, la vérité est qu’il la harcèle, et que son comportement n’est pas normal. Pour Fabrice, la vérité est qu’elle le frustre et le rejette. On voit bien qu’il est plus juste de parler de SA vérité que de LA vérité. Lieu commun, certes, mais quand cela va mal, il convient de scruter les évidences. Au sein du couple, les interactions se font à partir des lectures que chacun fait du comportement de l’autre. Dans l’exemple cité, si on ose un « regard profond » (ce qu’on fait en thérapie et qui est ainsi transmis aux couples!) on s’aperçoit que le comportement de l’un ravive une blessure, une faille chez l’autre, et que cela provoque une souffrance psychique, et réciproquement. Et cela, c’est vrai. Personne n’est la cause de la souffrance de l’autre, mais chacun y participe, c’est la formulation qui nous semble la plus juste.

 

Comment Sophie et Fabrice ont-ils pu et peuvent ils « gérer » cette situation en utilisant différents niveaux de vérité, de manière authentique. Les 5 niveaux de Vérité sont une représentation utile pour comprendre ce qui se passe et savoir parler avec authenticité.

 

 

 

Niveaux

 

Définition

 

Exemple chez Sophie et Fabrice

 

- 1

 

Aucune conscience du phénomène

 

Pendant plusieurs années, la sexualité a été peu présente sans que cela pose de problèmes explicites

 

0

 

Conscience du problème, mais on n’en parle pas

 

Est arrivé à un rythme différent chez Sophie et Fabrice. Fabrice a initié des demandes que Sophie a rejetées. Le couple n’en a jamais parlé

 

1

 

Accusation

 

L’autre est responsable du problème (voir plus haut), le conflit peut devenir ouvert « tu ne veux jamais faire l’amour » versus « tu es un obsédé »

 

2

 

Expression authentique des sentiments

 

Chacun a mis de la lumière et est en contact avec ce qu’il vit. Chacun parle en utilisant son intelligence émotionnelle «je me sens très frustré  » versus «je me ferme dans ma bulle»

 

3

 

Identification des faits à l’origine des sentiments (allie émotionnel et rationnel

 

Mise en lien et responsabilité du vécu avec le comportement de l’autre

 

« quand tu refuses de faire l’amour » versus «quand tu me fais ces demandes de sexualité »

 

4

 

Expression authentique des peurs à propos de soi même, sous jacente aux sentiments

 

Chacun a exploré ce qu’il en était VRAIMENT des sentiments qu’il éprouvait. Il a atteint, pourrions nous dire, « le cœur » du « problème » et prend pleinement la responsabilité de ce qu’il vit « j’ai peur d’être rejeté» versus « j’ai peur de te décevoir »

 

 

 

Plus je suis dans les niveaux de vérité 2, 3 et 4, et plus je suis impliqué, en pleine conscience, dans la relation. Je cesse de projeter à l’extérieur ce qui m’est personnel et je peux ainsi sortir de la position de victime, qui me déresponsabilise et m’ôte mon pouvoir créateur.  L’intimité relationnelle du couple fait alors un bond en avant significatif qui va rejaillir sur tous les domaines de la vie, l’enrichir et éviter de perdre du temps dans des conflits stériles et répétitifs. Etre au plus près de cette vérité là est porteur de changement, sans qu’il y ait forcément à faire quelque chose, à négocier, ou à « marcher » sur ses besoins profonds.

 

Reste une dernière question à traiter, en lien avec la transparence que nous avons évoquée plus haut : faut il toujours être sincère et être dans les niveaux de vérité 2, 3 et 4 ? Bien sur que non, il convient mieux dans certaines circonstances de faire d’autres choix. Pour se décider, on peut s’appuyer sur le principe suivant « si j’ai du mal à me décider entre dire ou ne pas dire, alors c’est à ce moment là qu’il faut le dire ». Nous vous invitons à faire cette expérience, à en savourer toutes les conséquences et à les partager avec nous sur ce blog!

 

 

 

Publié dans Communication

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